04/10/2014

"Je suis un Embrunman, mais..."

Il est des récits de course moins faciles à écrire que d'autres. Les raisons sont diverses et variées mais toutes justifiées : l'émotion, la déception, la peur de ne pas réussir à retranscrire ce que nous avons vraiment vécu, la mémoire qui fait défaut ou au contraitre qui nous innonde de souvenirs trop nombreux pour réussir à reconstruire l'histoire.
Alors il a fallu prendre le temps. Prendre le temps de digérer (le résultat), de prendre du recul sur ses émotions, de revenir à sa place... c'est à dire celle d'un amateur qui a fait une course d'endurance dure comme des millions d'autres sportifs tous les ans et dont les état d'âmes deviennent vite ridicules une fois ces émotions retombées.

Retour en mots et en images sur les derniers jours avant l'épreuve et bien sûr sur ce 15 août 2014.




Des vacances avant tout



Nous arrivons avec ma petite famille le dimanche 3 août en début de soirée sur Embrun, quasiment deux semaines avant l'épreuve donc.

L'objectif est clairement de récupérer les nombreuses heures de sommeil en retard des dernières semaines (et notamment des derniers jours). Le temps est au beau fixe et la chaleur est même présente, il est l'heure des derniers gros entraînements :

Les sensations ne sont pas bonnes. Les cuisses chauffent très vite dès le début des sorties. Mon aller-retour au Col Agnel est notamment horrible au niveau des sensations, j'ai en plus très froid le matin sur les balcons de la Durance complètement à l'ombre.

Il faut dire que ce Col Agnel (c'est la 1ère fois que je le grimpe) est particulièrement difficile : 20km à 7% ! Je me fais doubler par 2 ou 3 cyclistes, pas bon pour le moral et la confiance.
A partir de ce moment je me poserai sans cesse la question de comment m'habiller le jour J, en revanche je prends la décision à 100% de ne pas faire l'Embrunman en tri-fonction mais bien en cycliste pour la partie vélo.

La confiance n'est donc clairement pas au rendez-vous mais pour autant je ne suis pas du tout stressé, je commence mes petites séances de natation dans le plan d'eau histoire de bouger un peu les bras (et enfin je fais mes séries de pompes tous les soirs comme je m'étais fixé de le faire quelques mois plus tôt... sans le faire !).


Les sardines arrivent doucement mais sûrement



2 jours de repos complet ensuite, en fait pas tout à fait : rando de plus de 12km en montagne, ça n'arrange pas mes jambes. Mais je suis quand même bien reposé et le samedi matin le petit footing s'impose. Aucune idée si c'est bien ou pas mais j'en ai trop envie / besoin.

Ce week-end du 9 / 10 août marque le début des épreuves de la semaine de triathlon à Embrun : courte distance et grand prix FFTri notamment. Mais aussi, - et surtout -, les sardines commencent à débarquer en nombre !

C'est donc non sans une certaine joie de sentir le jour J approcher (tout en profitant des vacances bien sûr) que les séances de natation ne se font plus en solitaire mais en banc de sardines !

La dernière séance est un enchaînement vélo (2h30) / CàP (45'), avec pour le vélo la 1ère partie du parcours de l'EM (boucle autour du lac) complétée par Chalvet.

Je fais le vélo en compagnie d'Hervé, le président des Sardines qui vise moins de 12h. Une nouvelle fois je ne suis pas rassuré par mes sensations mais, assez bizarrement, une nouvelle fois je ne suis pas du tout stressé ou inquiet par cela. Pourtant ma préparation tardive (mais intense et volumineuse) aurait pu me faire psychoter.
Par contre il est vrai qu'à pied, alors que je fais l'enchaînement en plein cagnard à midi j'ai plutôt de bonnes sensations.


Repos, pasta party sardines, dépot des vélos sardines, sardines, sardines, sardines...!



Mardi matin à nouveau une petite séance de natation (1300m) en combinaison. Surprise : les sensations sont excellentes, j'ai l'impression d'être un vrai nageur, de réussir à entretenir la glisse, de ne pas me battre avec l'eau et de réussir à accélérer comme je veux comme si je courrais.... Je garde cela en tête et aurais les mêmes sensations le mardi après-midi et le mercredi.

Le mercredi, nous sommes au bas mot une centaine d'athlètes et accompagnateurs des sardines à nous retrouver aux Orres pour une pasta party rien que pour nous. L'ambiance est évidemment conviviale, tout le monde parle d'Embrun et la présence des supporters nous fait entrer de plein pied dans cette aventure de club mené de main de maître par Jean-Marc depuis de nombreux mois. Il n'est pas le seul bien sûr, mais tout le monde s'accordera à dire qu'il est un peu notre tête de pont dans cette aventure !
Certes ça discute Embrun et triathlon sans relâche mais les accompagnateurs eux aussi sont là et partagent leurs expériences... oui c'est pas toujours super sympa de vivre avec un triathlète amateur qui prend plaisir à faire 15 ou 20h d'entraînement par semaine. Merci femme ! ;)

Une partie du banc de Sardines qui prendra le départ un peu moins de 48h plus tard...

Dernière trempette (800m) dans le plan d'eau le mercredi après-midi, les sensations sont toujours les mêmes : excellentes !
A la fin de cette petite séance partagée entre sardines bien sûr, la tension monte d'un coup, désormais nous y sommes : la dernière ligne droite. Il faut penser logistique  : retrait de mon dossard le jeudi matin, achats de quelques aliments pour mon ravit solide en haut de l'Izoard.

Je mets déjà un bon bout de temps à m'endormir le mercredi soir, dans ma tête tout se bouscule : surtout je me demande bien comment mon corps va réagir avec l'entraînement si particulier que je lui ai infligé (pour rappel : 17h en février, 32 en mars, 35 en avril, 40 en mai, 46 en juin... 74h en juillet !).

Je compare dans tous les sens les différentes chronos que j'ai pu faire pendant mes reconnaissances du parcours et je suis loin des 7h30 à vélo que je visais initialement... je comprends même pas comment c'est possible maintenant.
Bref, tant bien que je finis par m'endormir et me sens pas fatigué au réveil. Au retrait des dossards je commence à me poser mille questions, je suis franchement fébrile et appelle Thierry qui a fait l'EM l'année dernière pour avoir quelques infos précises sur les ravitos, le gobelet soit-disant obligatoire pour le marathon, etc.

Puis vient l'heure du dépôt du vélo au parc, super moment, je suis vraiment heureux d'être là, d'être entraîné alors que quelques mois plutôt je ne savais vraiment pas si j'allais faire partie de l'aventure. Et puis bien sûr quelle ambiance avec toutes ces sardines : on prend plus de 2 rangées dans le parc à vélo, c'est géant. Nous crions (oui... utiliser le verbe "chanter" serait présomptueux) notre hymne, photos, les parents qui arrivent, le dernier stress logistique : il me faut un journal pour la descente de l'Izoard ! Finalement ce sera Le Dauphiné Libéré local qui me servira de couverture le lendemain.
Je ne suis pas très loquace au dîner mais pas non plus tétanisé, je sais juste que je ne vais probablement pas dormir de la nuit (ce fut le cas à Nice). Mes parents partent chercher ma soeur à la gare, le pied d'avoir autant de proches présents.


Cette fois... nous y sommes !


Vendredi 15 août. 3h30. Le réveil sonne. Je n'attendais que ça... J'ai peut-être somnolé un peu et encore pas sûr, on peut appeler cela une nuit blanche. Je file vers le frigo manger un peu de gateau de riz et une part de "gateau sport", je prépare aussi mes sandwichs. Ma soeur me glisse à l'oreille : "Donc le but c'est de vider tout le frigo c'est ça ?". Ca me fait bien rire malgré la tension bien palpable cette fois-ci.
Bébé reste à l'appart avec la Mamie ! Et c'est donc accompagné de ma femme, mon père et ma soeur que je me dirige vers le plan d'eau en voiture. Il fait bien sûr nuit noir, en arrivant sur place l'ambiance est surréaliste : pas encore beaucoup de monde mais des frontales qui balaient le parking et l'entrée vers le parc à vélo, des bonhommes (et quelques rares femmes) avec des caisses dans les mains, on a l'impression que tout le monde chuchote, la sono n'est pas encore active... En résumé : on se demande bien ce qu'on fait là !
Je mets mon casque, dernières embrassades avec mes supporters de choc et j'entre dans le parc. Quelques sardines déjà présentes, je souffle à fond : concentré, stressé mais vraiment heureux d'être là car je me sens hyper privilégié d'y être tout simplement ! Je n'avais pas du tout apprécié ces moments à Nice car nous étions arrivés trop tard au parc et n'avions pas eu le temps de se poser. Ce n'est pas du tout le cas cette fois, je prends tout mon temps pour préparer mon vélo et mes affaires : répartir les ravitos dans les poches, préparer les affaires pour les transitions, checker la pression des pneus, faire semblant de faire des blagues aux potes, etc. Et puis d'un coup on lève la tête et le parc à vélo est bondé, des centaines de triathlètes s'affairent à leur place, les plus pressés enfilent déjà leurs combinaisons...


Il fait vraiment froid, en arrivant dans la voiture il y avait 7°C au tableau de bord, je prépare les sur-chaussures au bout des chaussures de vélo, mais je ne sais pas du tout si je les mettrai. Puis à mon tour d'enfiler ma combinaison et quelques instants plus tard je vois déjà quelques athlètes s'avancer vers le départ natation alors je ne tarde pas à faire de même puisque je suis prêt ! Après bien sûr un regard et un mot toujours aussi fébrile vers la famille.


3, 2, 1...


Me voilà bonnet et lunettes sur la tête, pieds nus (et donc déjà gelés...), montre prête à être déclenchée, je suis positionné plutôt dans les 1ers mais je ne m'en aperçois pas tout de suite. L'attente parait interminable. La sono n'est pas à fond, les speakers probablement moins chauds qu'à Nice mais est-ce nécessaire
ici, à Embrun, quand on connait l'épreuve et que nous sommes 1200 dans la nuit froide à attendre le top départ comme des manchots sur une banquise ?!
5h50 : le départ est donné pour les femmes, la musique retentit enfin à fond dans la nuit qui est légèrement moins noire. Puis les barrières s'ouvrent, nous courrons tous vers le bord de l'eau et la ligne de départ. Encore quelques instants à patienter dans l'herbe. Je laisse échapper quelques larmes, je ne sais même pas pourquoi, un mélange de tension, de souvenirs de l'Ironman de Nice et une nouvelle fois de joie d'être présent : j'en a vraiment sué durant ces derniers mois pour réussir à m'aligner ici dans une forme convenable.


6h : top départ ! Je suis au 5ème rang, je débute ma course à fond et me sens vite asphyxié, ma petite expérience me permet de ne pas paniquer et donc de ne pas amplifier le phénomène. Je fais surtout très très attention à ne pas me prendre de coups et donc protège mon visage, je sais que tout peut arriver et je n'ai pas envie que mon Embrunman se termine au bout de 10 minutes. Si la nuit n'est plus d'un noir complet (on distingue péniblement son entourage, grace aux projecteurs de quelques bateaux suiveurs aussi), l'eau est en revanche absolument noire ! Inutile donc d'essayer de se repérer dans l'eau... Durant les 800 premiers mètres il ne m'est pas possible de bien poser ma nage mais j'arrive tout de même à bien avancer, mon orientation est loin d'être top (je prends bien l'extérieur). Pour autant je reste zen, lucide, prends même le temps de regarder mon chrono : je suis pile dans le temps que je me suis fixé depuis quelques jours lorsque j'ai ressenti mes bonnes sensations.

La natation consiste en 2 boucles complètes du plan d'eau d'Embrun, la longue ligne droite du retour pour finir la 1ère boucle me parait d'une longueur incroyable mais une nouvelle fois un rapide check de mon chrono me confirme que je suis dans le bon tempo... Il est de plus en plus facile de nager puisqu'il n'y a plus de gros peloton autour de soi, le jour s'est levé (magique), la brume elle empêche cependant de bien distinguer de loin les prochaines bouées à franchir.

Je prends vraiment plaisir à nager durant la 2ème boucle et suis galvanisé (comme toujours sur un triathlon) à mon approche de la sortie ! Ca y est, je me redresse, puis cours immédiatement en regardant ma montre : 1h06 et qques (je ne détaille pas à ce moment là...). Contrat plus que rempli : exactement ce que je visais depuis quelques jours mais bien sûr largement au delà de mes prévisions des semaines précédentes (j'avais pour objectif initial de commencer le vélo à 1h20 de course). J'avais vraiment fait l'impasse sur ce sport durant toute ma préparation. Il est clair en revanche que je n'ai pas fait la natation à l'économie.


Embrun... c'est Embrun


La transition est épique et l'Embrunman se montre déjà redoutable. La température ambiante est encore bien fraîche pour ne pas dire froide. J'arrive à ma place et découvre que Vincent (un bon nageur) est en train de se changer, ce qui me conforte dans ma bonne nat'.
Je sens des mini crampes dans mes jambes mais cela ne m'inquiète pas car cela m'arrive souvent à la sortie de l'eau surtout avec ces températures. D'un coup Vincent à coté de moi pousse un cri, lui aussi a une crampe à la jambe droite. Je tente de le rassurer tant bien que mal en lui disant que ce n'est rien que la température mais il répète en boucle "Ca commence bien !". A mon tour de ressentir cette fois des vraies crampes un peu partout dans mes jambes, je m'assois pour finir de me changer en étirant bien mes jambes et hop c'est parti pour 185km de bicyclette ! La vidéo de cette transition est assez hilarante (maintenant que c'est passé).
Aïe aïe aïe les crampes... y'en a pas un pour relever l'autre !


En mode furtif
Je ne vois rien car mes lunettes sont pleine de rosée tombée pendant que nous nagions, je les mets sous le nez pour ne pas tomber en courant à côté de mon vélo avant de pouvoir monter dessus.

Les supporters sont très nombreux au tout début de ce parcours, c'est juste incroyable de débuter avec cette ambiance une si longue balade. Je ne m'enflamme surtout pas et pourtant c'est tentant de se mettre en danseuse au milieu de cette foule. Je me sens très bien, même pas les pieds congelés comme le craignais et quel confort d'être en vrai cycliste et pas une petite tri fonction. Bref : le moral est au beau fixe !

Je mouline énormément et un peu comme à Nice j'ai l'impression de réussir à grimper sans me faire mal aux jambes du tout. Je double pas mal de concurrents et me fait aussi doubler, il est bien trop tôt pour commencer à se comparer. Je "croise" des Sardines : rattrape Emeric puis Sandrine, Seb me double (il a déjà fière allure le cochon !). Dans toutes les bosses je garde la même attitude : fréquence et dès que ça appuie un peu trop dans les cuisses je mets une dent de plus. Et ça passe plutôt pas mal, j'ai l'impression que mon allure est correcte. D'ailleurs à titre d'exemple, Seb reste en ligne de mire un bon bout de temps.
Dans un virage sur la gauche, alors que je suis en train de doubler et suis donc déjà déporté sur la gauche je sens un concurrent me dépasser à son tour... énorme frayeur d'autant plus qu'un autre concurrent encore plus à gauche que lui était en train de le dépasser, j'ai pas eu le temps de m'en rendre compte mais nous nous sommes frôlés à 3 dans un faux plat descendant : terrifiant de stupidité de prendre de tels risques.
C'est donc déjà la fin de la 1ère difficulté du jour, je suis content car j'appréhendais cette partie à froid qui m'avait laissé de très mauvaises sensations les 3 fois où je l'avais reconnue. Le froid est certes présent mais je n'ai pas l'impression d'en souffrir, mes manchettes me donnent l'impression de bien me couvrir. Il est temps maintenant de penser à la suite puisque c'est la descente vers le lac qui début pour rejoindre le pont vers Savines puis revenir vers Embrun avant de s'éloigner tout là bas en direction du pied du Col de l'Izoard.

Des doutes plein la tête... et les jambes ?


A peine 1h sur le vélo pour les 20 premiers kilomètres, je suis plutôt en avance sur mes prévisions (surtout en ajoutant mon bon temps natation), le moral est au beau fixe, le soleil pointe même le bout de son nez. J'arrive alors sur la route nationale, je me mets pour une des premières fois en position sur mon prolongateur et c'est parti pour 10 petites minutes qui vont me mettre vraiment dans le doute. Je me sens en effet de plus en plus fébrile sur cette partie. En réalité je ne peux pas parler de coup de mou mais j'ai l'impression de ne pas avoir de puissance dans les jambes et qu'à tout moment je peux complètement m'effondrer.
Thierry revient sur moi dans la petite bosse de Savines, un arbitre nous demande de ne pas rouler ensemble... alors qu'il vient juste à peine d'arriver derrière moi et qu'il va me doubler ! Ca énerve pas mal Thierry, ça me fait plutôt rire. Toujours est il qu'il me passe et que je reste à bonne distance de lui, en fait il part devant pour être plus précis. Je suis en quelque sorte rassuré car cela montre que je me suis pas mis dans le rouge, mais mes sensations du moment me font me poser mille questions dans ma tête et notamment une très désagréable : n'ai-je pas été trop optimiste de penser que mon entraînement intensif mais "à retardement" des 2 derniers mois me permettra de tenir la distance ?! Cette question va me faire douter crescendo puisque mes jambes me paraissent toujours autant "faibles" et que je ne sens à aucun moment la pouissance  en moi !


En attendant je pédale et le vélo avance quand même, l'arrivée au "rond point des Orres" est comme prévu là aussi quasi-mythique : une haie d'honneur de spectateurs de chaque côté de la route et notamment Papa, soeur et femme ! Je me retourne pour bien les voir, mais bien sûr ça va très vite. J'apprendrai le soir qu'ils ont été bien soulagés de me voir à ce moment là car ma puce chrono ne fonctionne pas et qu'ils n'avaient donc pas mon passage au 1er intermédiaire.

A partir de ce moment là on sait que le tour de chauffe est passé et qu'il faut rejoindre Guillestre, remonter toutes les gorges, attaquer l'Izoard, descendre vers Briançon puis revenir avec un vent très probable de face et quelques belles bosses encore, puis rejoindre Embrun, puis grimper Chalvet avant, enfin, de rejoindre le parc à vélo et s'élancer pour le marathon... Et bien, une chose est sûre, à ce moment là avec mes sensations du moment : je doute ! L'épreuve me parait d'un coup quelque chose d'insurmontable et Briançon à peu près aussi loin que l'Australie. Je progresse dans cet état d'esprit sur les balcons de la Durance qui, dans les faits, ne se passent pas si mal. J'arrive à Guillestre puis décide enfin de faire une pause pipi qui s'imposait depuis quelques dizaines de minutes déjà. Quand je remonte sur le vélo : miracle. J'ai littéralement l'impression d'avoir à nouveau de l'énergie, je me sens beaucoup mieux, vraiment. C'est donc assez confiant que je débute la remontée des gorges et effectivement j'avance à un rythme qui me permet de doubler un certain nombre de concurrents.



Je reviens d'ailleurs sur Thierry à ma grande surprise et juste avant le début de l'Izoard j'ai même en ligne de mire Hervé. Là clairement je suis à la fois "content" et en même temps à nouveau je me demande : "Ne serais-je pas en sur-régime ?". Mais objectivement je ne crois pas, non seulement les potes de club que je rejoins puis double un peu plus loin dans l'Izoard ne sont pas dans un bon jour, mais en plus je fais quand même confiance à la fois à mes sensations et aussi tout simplement à mon cardio : je ne dépasse pas les 163 pulses / min dans les pentes les plus raides de l'Izoard (c'est vraiment bas pour moi !).

L'Izoard, emblème de cet Embrunman passe bien pour moi, j'ai même parfois l'impression de me forcer à ne pas appuyer un peu plus sur les pédales, et je le monte entièrement en vélocité. En arrivant au sommet Hervé me rejoint, il me dit être pas trop mal en moulinant mais pas moyen "d'envoyer".
Je récupère mon sac ravito personnel, met mon fameux journal sous mon maillot, prend coupe vent, gants et autres affaires que j'ai dedans et bien sûr mes sacrés pains au lait et autre sandwich, avant une nouvelle pause technique. Je suis d'une lenteur incroyable : 7 minutes d'arrêt au sommet ! Par rapport au temps idéal que je visais je suis donc très légèrement en retard mais moins de 5 minutes... autant dire rien sur une telle épreuve.



Je m'en veux d'avoir été aussi lent et suis en même temps bien ravitaillé et regonflé à bloc pour me lancer non moins à bloc dans la descente. Le froid ou ma forme me pousse à envoyer du lourd dans ce toboggan vers Briançon : j'ai "fait" la descente comme on dit. Après Briançon les sensations sont toujours bonnes, le moral toujours au beau fixe, surtout quand une nouvelle fois je reviens à hauteur d'Hervé.

Oui c'est bête à dire mais quoiqu'on en dise, en toute honnêteté : rattraper, se faire doubler, doubler ou encore rouler avec des athlètes dont on connait le niveau permet de se jauger et lorsqu'on est dans l'inconnu comme moi et qu'on doute autant de sa forme ça prend des proportions probablement trop grandes. Nous arrivons quasiment en même temps au pied du mur du Pallon (140ème km, 10% de moyenne sur 1,6km), avec Julien qui lui aussi comme Hervé est à la peine.
Nous resterons ensuite "ensemble" durent une petite vingtaine de kilomètres. Il reste désormais à repasser par les balcons de la Durance déjà empruntées dans le sens opposé il y a maintenant quelques heures.
A noter tout de même : régulièrement j'ai des petites crampes qui apparaissent et repartent immédiatement au niveau des ischios. Bizarrement, cela ne m'effraie pas du tout, aujourd'hui à froid je me demande comment cela a pu ne pas m'alerter plus que cela.

Le marathon se rapproche péniblement



160 kms au compteur, voilà on peut considérer que le vélo est passé... Il reste 25 kms pour boucler ce parcours vélo qui nous a tant obsédé depuis, au moins, que chacun est inscrit. Je sais qu'il reste le Chalvet à passer mais cela ne me fait pas trop peur, même si je craque il suffira de le grimper tant bien que mal et après de toutes façon c'est fini (enfin pour le vélo !). En revanche j'ai hâte d'y être tout simplement car j'ai souvent entendu qu'il était un bon indicateur de sa forme sur marathon.


Je ne vais pas être déçu : je suis clairement à la peine. Sur les 2 premiers kilomètres je me sens bien, d'ailleurs je fais encore bien le malin en faisant de grands coucous à Père et femme ! Mais lorsque les pourcentages les plus durs arrivent là ça coince très vite. C'est donc pas rassuré que j'arrive en haut, avec Julien en ligne de mire (Hervé lui est parti devant), nous effectuons l'ultime descente vers le plan d'eau d'Embrun et le parc à vélo. 7h35' pour le vélo, pour un objectif de 7h30. Je calcule pas exactement encore mais puisque j'ai fait une natation plus rapide que prévu, cela signifie que les 13h sont envisageables ! Autre donnée que j'ai en tête : je suis autour de la 200 ou 220ème place, je ne cache pas que je suis donc à ce moment de la course tout simplement ravi de ce que je suis en train de faire.


Nous posons donc le vélo en même temps. Julien repart très vite (il est en tri-fonction), de mon côté je suis plus lent car je me change entièrement, pipi express, crème solaire et le marathon commence. Ah non ! J'ai oublié mon dossard. Ca y est cette fois c'est parti pour le marathon, sous les cris de mes supporters de choc, un regard appuyé cette fois (à pied on est plus lent quand même !) vers la famille.

Ma transition est relativement lente, mais cette fois je regarde le chrono global et je suis à 8h51 de course quand je débute ce marathon. Autrement dit si je suis capable de courir le marathon en moins de 4h10' : je suis dans les 13h !



12km de rêve et puis...


J'ai vraiment hâte de commencer à courir, déjà car après 185km de vélo on a juste envie de changer de sport ! Ensuite car je suis pressé de savoir comment mon corps va réagir : les crampes vont elles s'amplifier ? Vais-je tout de suite être dans le dur ou d'abord réussir à tenir une allure sympa ? Bref, il faut y courir maintenant.

Les toutes premières foulées du marathon
Le premier kilomètre est tout simplement affreux, je ne comprends pas bien ce que je fais là et surtout comment je vais pouvoir courir 42km. C'est le seul moment (même avec ce qui va se passer après) où je pense à l'éventualité de ne pas finir, tellement la tâche me parait hors norme. Concrètement je n'ai aucune énergie, chaque mini variation de terrain me semble être énorme et qui plus est dans ma tête je visualise avec effroi l'ensemble du parcours à pied... celui-ci me parait interminable et gigantesque.
Le premier ravito est là, à mon plus grand soulagement, un petit verre de coca, de l'eau sur la tête, un autre dans le gosier, un tuc, qques fruits secs, le tout en marchant. Je recours, tout de suite, et tout de suite je sens la machine se remettre en route. Grand ouf de soulagement, je sens ma foulée de mettre en place. Je ne comprends pas trop ce qu'il s'est passé durant ce 1er kilomètre mais en tout cas là je suis lancé et tout va bien. Je re-croise la famille au bout du plan d'eau, mais je suis très concentré et ne répond pas vraiment à leurs signes et questions (aussi simples pourtant que "Tout va bien ?"). Difficile à expliquer à froid et pourtant les vidéos sont saisissantes de ce point de vue. La famille est là... les sardines aussi et en masse. C'est assez incroyable ! Partout, partout partout les supporters sont là, ils ont aussi contaminé d'autres spectateurs qui du coup désormais encouragent très fort dès qu'ils aperçoivent une sardine ! C'est fou.

Je scrute mon chrono : environ 5'30" au kilo (des bases pour 3h50 au marathon), je cours sans soucis même dans la côte vers le centre ville d'Embrun. J'y retrouve, complètement par hasard puisque je ne savais pas qu'il était là Hervé (pas la sardine qui est en course !) avec qui j'avais fini main dans la main l'Ironman de Nice l'année dernière ! Il hurle "Oh Pierre mon pote" et me suit en vélo durant quelques kilomètres. On passe dans le centre ville avec une ambiance de folie, on parle un peu, je suis plus qu'en forme et me retiens de ne pas accélérer car je sais que la route est encore très très longue.
Fin du premier tour du plan d'eau
Cette bonne foulée je la garde sans aucun soucis jusqu'au kilomètre 7. A ce moment je ressens d'un coup une douleur très vive dans le ventre, mes intestins me font souffrir énormément et cela passe aussi vite, 1 minute plus tard cela recommence... Je panique littéralement au début car je ne sais pas ce qui va se passer mais finalement ces "contractions" sont brèves et je me dis que ce sont des gazs qui vont passer tout simplement. Je garde donc tant bien que mal mon allure jusqu'au kilomètre 12 (au moment où Thierry me dépasse avec une foulée littéralement aérienne, en tout cas par rapport à beaucoup d'entre nous).

A partir de ce moment là la douleur est trop vive et les contractions trop rapprochées pour que je puisse tenir ma foulée. Je suis à ce moment sur la portion vers Barratier, ce long faux plat montant qui monte vraiment en fait ! Mon allure diminue inexorablement, je recours quasi-normalement une fois chaque contraction passée mais bientôt c'est en continue que mes intestins se tordent et me font souffrir, c'est donc en continue que je trottine comme un petit vieux les mains sur le ventre et plié en 2. Je passe régulièrement à une allure en dessoude 6'/km, tout se bouscule dans ma tête : entre calculs improbables pour mettre à jour en continue l'objectif que je dois désormais viser et surtout l'immense déception de subir ce que je connais, cette diarrhée du coureur qui me cloue sur place ou presque et qui anéantie toutes mes chances de garder le rythme qui était le mien jusqu'alors et qui rendait possible un chrono total autour de 13h ! En revanche, l'idée de ne pas finir à dû me traverser l'esprit une fois, très brièvement, pas plus.
Concrètement j'espère une seule chose : revivre ce qui s'était passé au marathon de Marseille en mars 2013, à savoir sauter dans un buisson me soulager et repartir de plus belle comme si de rien était. Mais il en est rien.

Un long calvaire de quasiment 15km débute alors, pendant tout ce temps là (c'est à dire 2h pour 13km...) je n'aurais qu'une seule envie : réussir à me soulager ! Mais il n'y a pas moyen. Je redescends tant bien que mal vers Embrun, je sais très bien à ce moment que mes supporters de choc se demandent ce qu'il se passe puisqu'ils auront été les premiers à remarquer que mon temps de passage ne correspond plus du tout à l'allure que j'avais jusqu'alors. J'arrive devant eux au dernier ravitaillement avant d'entamer le tour du plan d'eau, je suis dépité, énervé, impuissant surtout. La tête n'est plus la même...





Il n'y a rien à faire sauf arrêter de manger et boire que de l'eau, par toutes petite gorgées.

Après m'être un peu arrêté pour expliquer ce qu'il m'arrivait, je repars parcequ'il faut bien la terminer quand même cette épreuve, mais je n'ai plus aucune envie, je suis littéralement dégouté et déçu. Je suis en fait terriblement frustré d'être stoppé dans ma course par ce problème là, je le considère à chaud comme un incident matériel qui n'a rien à voir avec ma forme. Aujourd'hui encore, je pense que j'avais physiquement et dans la façon dont j'ai géré la course la possibilité d'être très près des 13h, mais je sais aussi objectivement que la digestion fait partie intégrante de ces distances.
Bref. Me voilà parti pour un tour du plan d'eau, l'ambiance incroyable qu'il y a, les chants pour les sardines, le beau temps, tout l'environnement autour de moi me rend encore plus triste de ne pas être en mesure de profiter... je n'arriverai en effet plus à profiter jusqu'à la fin.
J'arrive au niveau du parc à vélo, je décide de demander à des personnes de l'orga de me laisser aller aux toilettes qui sont dans ce parc et je m'y arrête, mais rien ne va mieux, rien ne passe. Je repars donc encore plus dépité : il me reste plus de 20km à parcourir et cela fait désormais déjà quasiment 1h que je bataille contre ce mal.
C'est reparti donc, je croise Julian qui entame son dernier tour du plan d'eau alors que moi je repasse devant mes 5 supporters (le petit gars n'a, parait il pas fermer l'oeil, il a fait l'impasse sur sa sieste pour l'occasion !), je croise Jean-Marc le fantastique aussi à qui je ne fais même pas de signe tellement je suis dégouté. Avant d'entamer la côté vers le centre d'Embrun, je tente un nouveau stop et je réussi ENFIN à me soulager un peu mais ce n'est toujours pas ça. Je reviens sur la route discute avec ma femme quelques instants, recommence à avancer avec mon père qui m'accompagne à partir de ce moment là et puis hop demi tour pour retourner vers mes toilettes sauvage, cette fois je me vide ! Et c'est une bonne nouvelle. Le mal est évidemment fait : sans parler du fait de mon allure qui a baissé, j'ai perdu 30 minutes rien qu'en arrêts.
Je repars le ventre vide, mais bien sûr pas comme une gazelle. D'autant plus que j'ai désormais comme des crampes d'estomac, très probablement dues à la façon très contractée" avec laquelle j'ai respiré. Mais je trottinerai à nouveau jusqu'au bout, 17km de long footing à 7'/km. 6km avec mon père qui m'encourage et me suis, 10km avec ma p'tite femme qui me supporte plus que m'encourage tellement je suis désagréable mais en même temps je lui demande de rester avec moi car je n'ai pas envie d'être tout seul. Mon état d'esprit est très particulier durant tous ces kilomètres : je ne souffre même pas tant que cela, je sais que désormais je finirai, je sais aussi que je ne serai pas fier de mon temps et je reste complètement bloqué là-dessus.


La fin... sans émotion



Voila, nous arrivons vers Barratier, puis on redescend vers Embrun, elle part devant pour me retrouver sur la ligne d'arrivée, mon père m'accompagne sur le dernier tour du plan d'eau, je n'arrive pas à relancer du tout mais la ligne d'arrivée approche. Toujours presque autant de monde et moi toujours autant de regret même si évidemment je sais que je n'y peux pas grand chose. Probablement il n'aurait pas fallu boire la boisson de l'orga (Isostar, que je ne prends jamais à l'entraînement), probablement le froid du matin a agit sur mon ventre, les quelques verres de Coca du début du marathon... mais en tout cas je ne me suis jamais mis en sur-régime et je n'ai donc pas fait d'erreur bête (en tout cas pour un amateur comme moi).

C'est désormais le tapis bleu, ma femme et mon fiston qui trottinent à côté de moi et nous passons tous les 3 la ligne d'arrivée. 13h51', 5h02 pour le marathon, je termine 391ème sur plus de 1200 partants. Je ne souris pas ou pas franchement du moins, je suis content que ce soit fini au fond de moi mais trop déçu du chrono et surtout du pourquoi de ce chrono.



Ca ne changera strictement rien à ma vie mais pendant plusieurs jours voire semaine je n'arrive pas à digérer, inexplicablement cela m'a vraiment marqué. Sûrement car je me suis tellement mis sous contrainte pendant 3 mois (un peu moins) que je suis déçu de ne pas avoir ressenti ce sentiment d'accomplissement que j'avais eu à 300% à Nice l'année dernière. C'est une sensation énorme d'inachevé sur laquelle je reste, je sais aussi que je ne recommencerai pas l'aventure Ironman de si tôt, en tout cas avec un objectif "temps", ça amplifie donc forcément ma frustration.
Bien sûr, aujourd'hui, plus d'un mois et demi après cette journée je suis un peu fier quand même de ce que j'ai fait, mais cela n'a rien à voir avec ce que cela aurait été en m'approchant des 13h. J'ai toujours dit que je n'étais pas un compétiteur dans l'âme, mais finalement être aussi exigent avec soi-même c'est probablement une façon comme une autre d'être compétiteur, au moins aussi ambitieuse que de vouloir être devant les autres !
Mon 10h48' à l'Ironman de Nice m'a comblé et je n'ai pas du tout envie de refaire cette course, mais mon 13h51' à Embrun me fait dire qu'un jour j'y retournerai... avec un objectif qui ne sera pas forcément de faire 13h mais un objectif qui sera au moins autant ambitieux relativement à mon âge et ma forme au moment où je reprendrai le départ de cette incroyable course.



Et maintenant ?


Depuis le 15 août, j'ai "couru" 5 fois et fais 2 petites sorties vélo. J'ai donc complètement coupé, je reprends la CAP depuis cette semaine pour Marseille Cassis dans 3 semaines. J'aimerais refaire 1h30 comme l'année dernière, ce n'est pas gagné.
Et puis ensuite et bien l'objectif est de garder un rythme d'une centaine de kilomètres par semaine en vélo et 2 séances de CAP. Avec cela, je devrais pouvoir continuer à faire des triathlons sprint, CD et peut être un half la saison prochaine !


Photos


En attendant un petit diaporama en musique de cet Embrunman 2014 !


1 commentaire:

  1. Chouette CR. T'auras eu le mérite d'aller au bout, là ou j'ai bâché au 30 ième du marathon!

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